Ni les hommages ni les témoignages ne suffisent à nous consoler de la perte de Naâma. Ces carrures occupent si méritoirement, si exceptionnellement, nos vies, qu’elles caracolent par-delà nos mémoires. Présentes. Inoubliables. Irremplaçables. À jamais.
Les mérites et les exceptions de Naâma ? Ce qui insupporte dans sa disparition, ce qui fait perdurer le deuil, ce qui aiguise les regrets ?
Trois choses.
• D’abord, et avant tout, sa Tunisienneté. Sa constante et infaillible tunisianité. L’excellent musicien et musicologue, Kamel Ferjani, y rappelait si bien l’autre week-end sur FB. Il expliquait, entre autres, qu’être tout le temps fidèle à nos modes et à notre accent, est pur mérite dans un pays où l’influence et la présence du tarab et de la musique «charqui», dominent encore, voilà bientôt un siècle entier. Il faut y ajouter que le cas de Naâma est probablement unique dans le monde de la wataria. Tout un répertoire, plus de 300 chansons strictement «alignées» sur les toubous et les textes tunisiens : la comparaison est difficile. Saliha, oui, peut-être. Choubaila, soit, aussi. Mais le nombre n’y est pas. Ni la volonté et la régularité du choix. La tunisianité était une valeur indépassable, «invariable», pour Naâma (exclu dans l’absolu «le rêve égyptien»). Et à l’adresse des compositeurs et des paroliers c’était, discrètement, mais sûrement, une condition.
• Le bon caractère, ensuite. Curieux, mais à cette qualité vérifiée depuis toujours, et partout, métier, parenté et amitiés, on n’y pense, vraiment, qu’aujourd’hui. Quelqu’un en a fait la remarque, la juste remarque, l’autre jour lors de la cérémonie de la Cité de la culture. Il y avait unanimité du deuil, unanimité du bon souvenir, unanimité des regrets. Simple et rarissime : Naâma, la grande artiste, a vécu son Art en paix avec tout le monde, collègues ou concurrents. Evidence omise : les grands artistes s’occupent à l’Art, jamais aux adversités.
• Pour conclure, peut-être ceci : Naâma nous rappelait des années de bonheur et de réussite, et elle nous quitte à un moment de pires craintes pour le pays. Rien ne nous console tout à fait. Sa perte est comme un abandon.